
Au travers de cet article, on essaie, à notre niveau, de comprendre quelles sont les challenges que peuvent rencontrer les entreprises du secteur textile habillement pour faire du made in France. L’idée n’est surtout pas de taper sur un secteur qui a connu des difficultés structurelles depuis plusieurs années, mais de plutôt faire une analyse, parfois froide, de la complexité et obstacles qu’on peut rencontrer quand on veut se lancer dans du made in France. Les quelques points qu’on détaille sont le reflet de notre analyse et de notre vécu personnel chez Rsurction en tant que marque en pleine création. En rédigeant cet article, cela ne nous a nullement décourage, et ce n'est justement pas le propos. Au contraire, cela nous montre tout le chemin à accomplir avec l’ensemble des acteurs du secteur. Au vu des projets et initiatives qui se construisent un peu partout, on est très optimiste à ce que les choses changent.
On avait également à cœur de partager avec les consommateurs l’envers du décor du made in France et de ses jolies couleurs bleu blanc rouge qui recèlent une réalité bien plus nuancée.
Un secteur qui a péréclité : la perte des savoir-faire et métiers du textile
Depuis la fin des année 80, le secteur textile habillement en France a perdu des centaines de milliers d’emplois. Aujourd’hui, il y a moins de 60 000 emplois dans ce secteur. Pour autant, une tendance positive se dessine avec plus de créations d’emplois nettes que de pertes ces dernières années.
En plus de tous ces emplois perdus, l’industrie du textile habillement a également subi une perte de savoir-faire. C’est l’un des obstacles les plus importants quand on veut développer des produits 100% made in France. Il y a quelques trous dans la raquette. Par exemple, il ne reste que très peu de filatures de coton. Du coup, c’est compliqué de trouver des tissus français faits à partir de fils de coton français. Ainsi, même si le tissu est français, le fil à partir duquel il est tissé est loin de l’être systématiquement. Si on prend l’exemple d’un tissu comme l’oxford, il est quasi-impossible de trouver de l’oxford double retors bio en France. Pourtant, l’oxford est un des tissus de chemises les plus communs. Le bio est un standard de plus en plus désirable et attendu du consommateur et le double retors garantit solidité et résistance du tissu. C’est alors dommage ne pas pouvoir se fournir en France, et d’être obligé de regarder du côté du Portugal ou de l’Italie. Autre exemple, on peut trouver des pulls en laine mérinos d'origine française. Cependant, si on veut monter sur de la qualité supérieure avec de la laine extra-fine mérinos, plus douce, résistante et moins grattante, on ne peut pas en trouver en France, notamment car les filatures françaises ne sont pas équipées pour le faire. On pourra avoir toutefois de beaux pulls en laine mérinos plus rustiques et plus chauds. Dans une autre catégorie, le savoir-faire sartorial tend également à disparaître.

En effet, Smuggler, le dernier expert costumier français basé à Limoges a subi une liquidation judiciaire début 2020 et a été repris par France Manufacture, 2 ans seulement après avoir déjà été racheté par France Confection.
Pour autant, ces dernières années, de nombreuses belles initiatives ont vu le jour avec notamment pour la laine le projet Tricolor qui met en avant la laine française en embarquant plusieurs belles marques françaises (Atelier Tuffery, De Bonne Facture, Bonne Gueule ou Le Slip Français). Il y a un retour du denim français avec des tisseurs de denim haut de gamme comme Manufacture Métis qui fourni des marques comme Atelier de la Venise Normande ou DAO. Le lin fait également son grand retour en France avec la filture Emanuel Lang ou le projet Linportant. Bien d’autres projets sont en cours autour du lin qui pousse en Normandie et dans le Nord de la France.
Le déficit de savoir-faire vient également du fait que n’étant pas considéré comme rentable, les entreprises n’ont pas souhaité investir dans l’équipement de leurs ateliers. Ainsi, les entreprises françaises ont pris un retard important dans les investissements concernant les machines-outils, à la fois en termes de productivité et de performance. C’était le cas par exemple de Smuggler qui avait un projet d’usine du futur, mais qui n’a pas vu le jour faute d’une situation financière saine. Alors que certains pays d’Asie ont massivement investi en quelques années pour être aujourd’hui à la pointe technologique. Le retard peut être rattrapé, mais il va falloir investir et être créatif pour rattraper les années perdues.

A l'image du projet ASF (Advanced Shoe Factory) 4.0 mené par Chamatex pour accompagner les marques de sport. Salomon, Babolat ou Millet sont prêt à démarrer.
Globalement, cela nous ramène à un autre problème du secteur textile en France, c’est le tissu économique de celui-ci. En effet, il est composé essentiellement de TPE ou PME, le plus souvent de type familial, qui n’ont pas toujours les reins assez solides financièrement pour rester à flots et envisager l’avenir de manière sereine. Ce qui complique la tâche quand on veut developper des pièces avec une vision long terme de partenariat avec des ateliers. Il y a toujours un risque que l’entreprise ferme pour une raison ou une autre. Encore plus dans le contexte de crise sanitaire et economique que nous traversons actuellement. Elles peuvent être surchargées pendant un temps et ne pas même pouvoir répondre parfaitement aux demandes du marché, et, avoir des périodes creuses avec peu de visibilités pour plusieurs mois en termes de carnet de commandes. Il suffit qu’un maillon de la chaîne (laine, fil, tissu, etc.) disparaisse pour que cela mette en peril certaines activités.
Le secteur est englué dans un cercle vicieux depuis longtemps. En effet, un secteur peu attractif économiquement, avec un parc de machines vieillot et qui attire peu les vocations. L’image du secteur est peu reluisante. Les jeunes ayant plus en tête les métiers de stylisme que de couturières. Pourtant, les deux sont indissociables. Aujourd’hui, l’enjeu se situe dans la transmission des savoir-faire. Nous avons encore un vivier d’ouvrières et d’ouvriers du textile très qualifiés en France, mais leur départ à la retraite s'approche à grande vitesse. La formation est ainsi un enjeu majeur pour la continuité des savoir-faire et le secteur de manière générale. Il y a tellement peu de formations que les entreprises mettent elles-mêmes en place leur propre cursus afin de se constituer leur propre vivier.

Pour redorer le blason de ces métiers, 1083 ouvre ses ateliers au grand public, aux écoles. Ainsi, on peut observer que les visiteurs sont clairement plus en admiration devant le travail d’une couturière confectionnant un vêtement que de celui d’une styliste postée derrière son ordinateur toute la journée. Les mythes tombent, ou en tout cas, cela permet de remettre une certaine réalité face à des métiers parfois très fantasmés et mettre en lumière le travail des ouvrières.
Un secteur atomisé et plus de complexité à gérer pour les marques
Quand on se lance avec la volonté de développer un vestiaire complet made in France, ce qui est notre cas chez Rsurction, on se rend vite compte de la complexité de la tâche. En effet, le tissu industriel n’est plus le même qu’il y a 30 ans. On est face à des petites entreprises familiales qui sont le plus souvent spécialisés dans un certain type de pièces : pièce à manche, pantalon, maille, le flou, etc. Il faut donc aller chercher chacun des ateliers et creuser avec chacun les possibilités de développement de pièces, en ayant en tête de garder la cohérence de gamme ainsi qu’un niveau d’exigence qualité identique pour l'ensemble du vestiaire visé. Il n’y a pas beaucoup d’entreprises qui puissent gérer l’ensemble d’une garde-robe masculine. Ou s’il y en a, il s'agit de grosses structures demandant des volumes conséquents de production, clairement inatteignables pour une jeune marque qui se lance. Après, le fait que les ateliers soient spécialisés, cela offre une vraie expertise sur un métier, une pièce de vêtement donnée. On peut réellement leur faire confiance. On est dans l'excellence.
On constate également, que les ateliers n’ont pas de système intégré permettant d’offrir un package complet de prestations pour le développement d’une pièce ou gamme, à l’instar d’ateliers portugais par exemple qui proposent un accompagnement complet pour les marques. Du coup, on multiplie les interlocuteurs. On essaie de faire travailler les entreprises ensemble et faire coïncider les minimums de production de chacune. Effectivement, à moins de prendre le standard proposé par l’atelier, il faut aller chercher son propre tissu, voire son fil, ses boutons, zips, rivets, ses étiquettes de marques. Même le processus de production est parfois délégué à plusieurs entreprises. Par exemple, certains confectionneurs de jeans sous-traitent la coupe, qui est un métier en soi, à un autre atelier spécialisé. Cela allonge mécaniquement les délais, complexifie le process et coûte plus cher. En effet, chacun touche évidemment, et légitimement, sa marge. Il faut alors coordonner les minimas de production et ce n’est pas évident de réconcilier les contraintes techniques de chacun. La problématique peut se présenter comme ceci par exemple. Un fournisseur de tissu va demander des minimas importants, et évidemment par couleur, alors qu’un fabricant de chemises va pouvoir produire beaucoup moins et en panachant les couleurs. Il faudra ainsi acheter plus de matière que ce qu’on fabriquera. Difficile alors de fabriquer au plus juste de ses besoins. Idem pour des petites pièces comme les boutons ou les étiquettes dont les minimas sont relativement élevés. C’est souvent lié à des contraintes techniques de production, et il faut le comprendre.

Alors qu’on pourrait se faciliter la tâche en allant dans d’autres pays de production où l’approche du secteur est plus simple pour une marque, il faut gérer la complexité quand on veut le faire en France. Par ailleurs, il est parfois difficile d’avoir également accès à des informations sur les bons fournisseurs. Pour avoir les bons contacts, il faut fouiller, creuser dans les annuaires ou Google, voire même passer par le bouche à oreille en échangeant avec des ateliers qui veulent bien partager leurs réseaux. Il faut avouer qu'ils sont très souvent de bonnes volontés pour aider. A nous de faire le reste. Souvent, c’est par ce dernier biais qu’on obtient les informations les plus précieuses. Les ateliers français font les choses avec de la bonne volonté, et on les remercie grandement !
Ainsil faut toutefois nuancer le propos général. Certaines entreprises ont bien compris les enjeux pour les jeunes marques et font beaucoup d’efforts pour aider et accompagner les nouveaux créateurs depuis la conception jusqu’à la fabrication finale. Ces nouveaux créateurs qui seront peut-être les grandes marques de demain. Si cela demande beaucoup de temps et d’énergie, c’est quelque part un mal pour un bien. En effet, quand on fait du made in France, on sait à qui on achète chaque pièce, accessoire ou service et on a une maîtrise complète de la chaîne de valeur à chaque étape du développement. On a une traçabilité de fait. On ne connaît pas tout quand même. Il faut toujours se battre pour avoir des informations claires sur le sourcing du coton, par exemple, qui ne pousse pas en France.
Bref c’est plus de complexité pour un résultat dont on espère qu’il sera supérieur à une offre européenne. Ce qui est garanti si on a à cœur de faire les choses bien de A à Z.
Se faire une place au soleil au milieu des grandes marques
Les entreprises du secteur sont habituées à traiter avec les donneurs d’ordres traditionnels que sont les grandes marques, souvent haut de gamme ou luxe. Il faut ainsi compter sur le bon vouloir de chacun des acteurs de la chaîne. Alors, quand on débarque avec son projet et ses petits volumes en face, on peut être rapidement refroidi, et parfois avoir de belles surprises. Et on le répète, il y en a qui jouent le jeu et heureusement pour nous.
En se mettant un instant à la place de ces entreprises du textile, souvent les plus grandes, il faut comprendre qu’elles ont l’habitude de travailler avec des quantités de production beaucoup plus conséquentes que ceux qu’une jeune marque peut amener. En effet, il est difficile pour une marque qui se lance d’assurer les minimas de production car elle n’a pas la garantie du succès derrière. D’un point de vue opérationnel, quand on parle de planning de production, ces entreprises vont légitimement privilégier leurs clients historiques à fort volume s’il y a des demandes urgentes à gérer. Ainsi, la jeune marque peut prendre du délai supplémentaire à différentes phases du développement comme le patronage ou prototypage, et bien entendu sur la production. Ce qui n’est pas évident à gérer au quotidien. On a parfois l’impression d’être la cinquième roue du carrosse. Mais c’est le jeu, il faut l’accepter et être tenace. On peut donc avoir des soucis de délai, mais également de qualité si l’attention portée est moindre que pour les grandes marques. D’où la nécessité de trier sur le volet les ateliers avec lesquels on travaille. C'est ce qu'on fait chez Rsurction. On doit être proche d’elles et travailler en confiance. Pas facile de se faire une place au milieu des marques connues ; que ce soit auprès des fabricants ou des consommateurs ! Pour être honnête, cette problématique n’est pas spécifique au secteur textile habillement, mais commune à bien d’autres. Mais, je dirai que la difficulté est amplifiée par le fait que le secteur est atomisé et qu’on peut pâtir d’un retard ou d’une fermeture d’entreprise à tout moment, et que cela a rapidement une incidence sur la globalité d’un projet.
Un dernier point est à souligner concernant la manière de travailler des ateliers. Tous ne sont pas forcément enclins à innover ou tester de nouvelles matières, formes ou finitions, soit pour des questions de capacité soit qu’ils n’ont pas l’habitude, ou juste pas envie. C’est une culture et des habitudes qui se sont forgées au cours des dernières décennies où peu d’investissements ont été réalisés pour l’innovation. C’est une machine à remettre en route, et au vu de l’héritage mode de beaucoup d’ateliers, ce défi semble largement relevable. Et alors, l’offre tissu, notamment, n’aura rien à envier aux grands tisseurs japonais connus pour leur créativité et la qualité de leurs tissus. Certains ateliers sont déjà sur cette voie comme Bugis.

D’ailleurs, là où on peut parfois être court sur des tissus haut de gamme sur des matières classiques comme le coton, les entreprises françaises développent de belles initiatives pour innover sur des matières naturelles telles que le chanvre, l’orti et bien évidemment le lin. Des projets sont également en route pour développer des filières en matière de fil ou tissus recyclables, comme le projet Moncoton piloté par 1083. De manière générale, les tissus techniques français sont à la pointe et ont un caractère très innovant.
Le coût de fabrication du made in France
On ne peut pas parler les obstacles pour faire du made in France sans évoquer le coût élevé de fabrication, à tous les étages.
On a envie de commencer par dire qu’on trouve que ce n’est pas un souci en soi. En effet, les salaires, conditions de travail (les 35h, 5 semaines de congés payées) et la sécurité des employés de ce secteur sont parmi les meilleures au monde. Nos lois protègent les salariés en cas de pépins de santé, accident ou autre malheur de la vie. Et il faut s’en féliciter ! Au-delà du salaire, c’est une protection sociale complète qui assure une sécurité pour des familles entières. Quand on pense qu’on paie le prix fort, on sait pourquoi on le paie et ça donne un vrai sens au made in France. Les employés de ce secteur dans d’autres pays sont loin de bénéficier des mêmes conditions. Fabriquer en France ne garantit en rien que tout est fait dans les règles de l’art. Comme en Italie ou ailleurs, il y a des gens malhonnêtes qui ont des ateliers avec des personnes sans papier. On trouve cela intolérable. C’est la raison pour laquelle nous sommes extrêmement vigilants dans la sélection de nos partenaires à tous les niveaux de la chaîne de valeur.

On le dit dans le Manifeste de Rsurction. Les salaires au Portugal et en Roumaine sont respectivement 2X et 3X inférieurs aux français. Ce qui crée un écart plus que significatif quand on calcule le prix de revient de production, sans compter le fait que plusieurs entreprises rentrent en ligne de compte dans cette addition qui devient assez salée. Ce n’est pas forcément le cas dans d’autres pays où tout le développement d’un projet de vêtements est clé en main, géré par une seule entreprise. Il faut également comprendre que plus une pièce de vêtement est complexe à fabriquer, de par sa construction, comme la chemise, plus le coût sera élevé, car il faudra prendre en compte un nombre d’opérations élevé, un temps de travail allongé et in fine un coût de production qui peut s’envoler. Par ailleurs, comme on le soulignait, les machines n’étant pas toujours les plus à la pointe, la productivité n’est pas forcément meilleure qu’ailleurs, voire inférieure. Cela peut également engendrer un coût plus élevé, car si le travail n’est pas réalisé par la machine, il sera fait par l’homme (ou plutôt la femme). Et on sait qu’en France, ce temps humain est plus cher que la machine. Quand on parle de prix, ce n'est pas valable uniquement sur la confection, mais ça l'est tout autant pour la fabrication des tissus ou la filature préalable. Pour prendre des exemples concrets, il est difficile de produire une chemise en France de qualité avec un beau tissu pour moins de 70€, alors qu’une fabrication au Portugal ou en Roumanie peut coûter autour de 20€. Ces chiffres sont cohérents avec les indices de salaire. Il n’y pas de surprises, mais cela permet de se rendre compte de la réalité qu’il y a derrière les prix des vêtements made in France dont on dit qu’ils sont bien plus chers que la concurrence européenne. En réalité, les marques françaises made in France ne sont pas si chères que cela en comparaison à des marques équivalentes fabriquées en Europe ou ailleurs. Elles sont beaucoup moins gourmandes en marge. Elles n’ont pas le choix pour être compétitive. Il faut croire au cercle vertueux. Plus les carnets de commandes se rempliront, plus les coûts baisseront dans le temps avec les investissements réalisés. Ce qui permettra certainement à des marques made in France de (re)constituer des marges plus en phase avec celles du secteur.
Les difficultés pour valoriser le made in France
Pour terminer, on voudrait aborder un sujet qui n’est pas tant un obstacle en tant que tel. Il s’agit de la difficulté à valoriser le made in France auprès des consommateurs.

Quand on se lance dans du made in France, on s'est vite rendu compte chez Rsurction qu’il existe un réel flou autour de cette notion "made in France". Nous n’allons pas rentrer dans les détails techniques, mais globalement, un produit peut être "estampillé" made in France quand notamment la dernière opération significative de transformation a été réalisé en France. Convenons que cela laisse tout de même une libre interprétation.
Il faut comprendre qu’il n’existe pas de label "made in France", même si ce terme est employé sur l’étiquetage ou autres supports. Par contre, il existe des labels plus spécifiques qui apportent de réelles garanties (incluant du made in France). On peut citer le label Origine France Garantie où à minima 50 % du prix de revient unitaire doit être français et le produit doit prendre ses caractéristiques essentielles en France. Le label EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant) garantit que le produit est fabriqué dans une entreprise française au savoir-faire d’excellence. D’avoir des labels comme ceux-ci est un vrai gage d’une fabrication française. C’est à la fois suffisant, et pas nécessaire (contrairement à l’adage bien connu). En effet, si on fabrique un vêtement dans une usine française, avec du tissu français ; le produit ne sera pas nécessairement Origine France Garantie ou EPV. Mais il pourrait être même plus made in France qu’un vêtement avec du tissu étranger fabriqué par une entreprise EPV ou OFG.
Par ailleurs, ce flou qui existe, ou zone grise, permet aux petits malins du marketing de communiquer sur leur produit de diverses façons ("dessiné en France", "origine française", "produit de France", etc. avec évidemment de beaux drapeaux tricolores) qui peuvent induire en erreur le consommateur. Cela est grave de notre point de vue, car quand le consommateur s’en rend compte, cela instaure de la méfiance des consommateurs auprès de toutes marques communicant sur une dimension française.
Nul n’est tenu à l’impossible et on est bien placé pour vous dire que c’est difficile, voire impossible aujourd’hui de produire un vêtement 100%made in France. Rien que par le fait que le coton ne pousse pas en France, en tout cas pas suffisamment. Et d’ailleurs, est-ce que cela veut dire quelque chose 100% fabriqué en France. Le plus important selon nous, c’est d’être honnête et transparent avec le consommateur sur l’origine du produit (les lieux de fabrication du vêtement et du tissu, origine de la matière première, etc.).

Aujourd’hui, la loi sur l’étiquetage est non contraignante. Les informations exigées sont très parcellaires. C’est à nous, en tant que marque, de prendre les devants et de communiquer le maximum d'éléments aux consommateurs. Ce n’est certes pas toujours évident d’avoir toutes les informations et qu’elles soient fiables. Mais tout ce qu’on sait, il faut le communiquer. On en a la conviction chez Rsurction.
Les grands enjeux du secteur textile habillement pour le Made in France
Le tableau que nous avons dépeint semble à première vue quelque peu sombre quand on veut se lancer dans du made in France. Mais, chez Rsurction, nous voyons clairement de belles initiatives et projets se mettre en place pour faire revenir des savoirs disparus et innover sur bien des domaines comme les tissus ou les filières durables. Un nouvel élan est en cours depuis plusieurs années tant chez les entreprises et les marques historiques ou nouvelles que chez le consommateur.
Les défis sont grands, mais nous savons que les bonnes volontés sont déjà à pied d’œuvre et que les projets se concrétiseront dans le temps.
Selon nous, voici les grands enjeux pour le secteur made in France : - Baisser les coûts : au travers d’investissements en général et en particulier dans les machines-outils pour les opérations à moindre valeur ajoutés et les nouvelles technologies
- Valoriser les métier du textile et construire des cursus de formation adaptées aux besoin des entreprises
- Améliorer la flexibilité et la culture innovation des entreprises afin de répondre aux nouveaux besoins des marques et du marché - Construire des clusters du textile sur des régions historiques dotées de savoir-faire reconnus avec des ambitions entrepreneuriales de regrouper certaines entreprises. Est-ce que cela marcherait, culturellement en France ? Pas sûr. Surtout quand on pense que le tissu économique est très orienté vers les TPE et PME familiales. Finalement, c’est peut-être ce qui fait la spécificité du Made in France ; et il faut certainement l’accepter.
- Clarifier l'appellation "Made in France". Il va falloir une réglementation plus explicite sur le made in France, qui, si elle ne se clarifie pas, va desservir davantage le secteur du made in France à moyen et long terme. Aujourd’hui, on s’en remet au bon vouloir et à l’honnêteté des marques. C’est bien, mais il faudra bien légiférer pour donner de la visibilité et lisibilité au made in France pour le consommateur.
En tout état de cause, il faut faire un vrai travail de pédagogie pour expliquer notre démarche auprès du consommateur, car c’est lui qu’il faut convaincre. On ne peut pas se limiter à raconter "c’est du Made in France, achetez". C’est loin d’être suffisant. Il faut que le consommateur comprenne ce qui fait la différence entre les produits, les savoir-faire mis en œuvre, la qualité, l’empreinte carbone, les multi dimensions éthiques et de durabilité, etc. C’est uniquement en ayant ces informations que le consommateur pourra prendre des décisions en connaissance de cause en fonction de sa sensibilité.
Sothara Sieng
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